Épisode bonus: Yves Faguy reçoit le juge en chef de la Cour suprême du Canada Richard Wagner.
Épisode bonus présenté par ABC National, Après la pandémie: Entretien avec le juge en chef de la Cour suprême du Canada Ép. 3
Dans cet épisode Yves Faguy reçoit le juge en chef de la Cour suprême du Canada Richard Wagner pour discuter du travail de la cour durant la pandémie, l’injustice raciale et systémique, et de son rôle temporaire à titre d’administrateur du gouvernement du Canada jusqu'à la nomination d'un nouveau gouverneur général.
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Animateur : Vous écoutez un programme du magazine ABC National.
Yves Faguy: Bonjour, ici, Yves Faguy rédacteur en chef du magazine ABC National. Cet épisode d’après la pandémie est présenté par la Financière des avocates et avocats. Obtenez les conseils d’experts et des assurances et investissements de qualité avec la Financière des avocates et avocats. Et comme ils sont à but non lucratif, vous obtenez une valeur exceptionnelle. Pour commencer, rendez-vous sur financièredesavocats.ca
J’ai le privilège d’avoir comme invité aujourd'hui le très honorable Richard Wagner le juge en chef à la Cour suprême du Canada, qui se montre très généreux avec son temps aujourd'hui, en acceptant de s’entretenir avec l’équipe de l’ABC et Juristes branchés, pour nous parler du travail de la Cour suprême dans cette période très inhabituelle. Bienvenue, Monsieur le Juge en chef Wagner.
Wagner : Merci beaucoup Maitre Faguy.
Yves Faguy : Alors, on s’entend que nous venons de vivre une année exceptionnellement étrange, c'est le cas pour tout le monde. J’imagine que les juges de la Cour suprême ne sont pas des exceptions dans ce cas-là. Comment vivent-ils la crise sanitaire?
Wagner : Comme vous le mentionnez, Maitre Faguy, les juges ne sont pas différents des autres. On a vécu sous le choc, au mois de mars 2020, quand le tout est arrivé. Et en tant que professionnel, évidemment, il a fallu réagir soudainement et rapidement. On n’était pas prêt pour ça. On ne s’attendait pas à ça. Et les tribunaux à travers le pays ont dû immédiatement réagir, et trouver des moyens pour continuer à rendre service, continuer à rendre des jugements, continuer à rendre justice! Parce que, j’aime le dire, je le crois profondément, la justice n’est pas simplement un domaine de pratique, c'est un besoin humain. Alors, c'est essentiel de pouvoir maintenir l’accès à la justice au quotidien. Alors, soudainement, du jour au lendemain, surtout les tribunaux d’instance, ont dû… on dû recourir à la psychologie pour assurer les services d’urgence, en matière familiale entre autres.
J'ai été impressionné, moi, par la détermination des juges à travers le pays, toutes cours confondues, pour trouver des manières immédiatement pour s’assurer de couvrir les matières d’urgence. À la Cour suprême comme telle, comme les cours d’appel en général dans le pays, évidemment, on n’avait pas les mêmes défis. Dans le sens où on n’a pas à entendre le témoin, on n’a pas à administrer de la preuve ou à recevoir de la preuve. Donc, si je peux m’exprimer un peu, c'était un petit peu plus facile de s’adapter avec la nouvelle technologie dans les cas qui le permettaient. C'est pas toutes les provinces, c'est pas toutes les cours, qui avaient accès à la technologie pour entendre des causes à distance.
Pour nous à la cour, évidemment, depuis les années 80 on a la possibilité pour les avocats de plaider par « visio ». Alors, que les juges, évidemment, doivent être en salle. Mais c'est jamais utilisé, parce que les avocats, pis je les comprends, préfèrent très souvent venir à la Cour suprême pour entendre. Mais la Cour suprême a été fermée à partir du mois de mars 2020, l’immeuble. Donc, jusqu’au mois de juin, on a suspendu les dossiers, les auditions, on a repris simplement au mois de juin, pis on a repris en visio, uniquement, entièrement. Alors les avocats chez eux, ou à leur bureau, les juges chez eux ou au bureau ici à la cour, mais y avait personne en présence. Et on a fait quand même des auditions importantes qui se sont avérées un succès. Plus la situation évoluait, là on s’est adapté. Alors on a configuré la salle d’audience en conséquence, en installant des plexiglas, par exemple, à l’automne. On a ajouté des mesures de sécurité, et à l’automne on a commencé les auditions en présence, mais sans public : les avocats, les juges. On a installé un deuxième banc, par exemple, on a réarrangé la salle. Donc, d’installer des nouvelles mesures de protection. Ça s’est bien déroulé également.
Mais, à mesure que la crise, évidemment, s’accentuait, depuis le mois de décembre, janvier, février, on a décidé de procéder par visio. Alors, les avocats plaident à distance, et les juges pour la majorité d’entre nous sommes présents dans la salle d’audience. Ça va très bien. On n’a pas de retard, on a des audiences à tous les mois. On va continuer au mois de mars, avril, mai, on a des dossiers fixés jusqu’au mois de juin. Pour nous, les juges à la Cour suprême, ça l’a demandé une attention particulière pour rendre les lieux sécures. Pour moi, comme juge en chef, je voulais m’assurer d’une part qu’on continue à rendre la justice dans les dossiers, mais de façon sécuritaire pour nos employés, notre personnel, et pour mes collègues les juges.
Animateur : Comment ça s’est passé sur le plan des délibérations entre les juges justement pour discuter des causes devant vous?
Wagner : Alors, autrefois, là je dis autrefois, avant la pandémie, évidemment, on délibérait dans une salle, tous les neuf en même temps, ce qui ajoute à la collégialité, si je peux dire, l’expression plus facile des opinions. Là, il fallait s’ajuster avec le mode de visio. Alors, par exemple, tout se fait sur des plateformes où on se voit sur écran, mais à distance. Alors, je craignais un peu l’exercice, mais finalement ça c'est avéré un exercice très positif, ça va très bien. C'est sûr que c'est pas la même spontanéité qu’on peut peut-être avoir en présence, dans une salle, mais on délibère quand même ensemble, en se voyant sur écran. Donc, on réussit quand même à maintenir nos habitudes, mais sous une forme différente.
Yves Faguy : Personne n’a osé peser sur le bouton mute?
Wagner : [Rire] Non, mais y a beaucoup de gens qui oublient de l’enlever par exemple, je pouvais toujours rappeler les mêmes consignes.
Yves Faguy : Le rapport du groupe de travail de l’ABC sur les enjeux liés à la justice soulevés par la COVID-19 va sortir le 17 février. Vous avez participé à cet exercice. Selon vous, quelles sont les questions les plus urgentes à adresser en termes d’accès à la justice?
Wagner : Oui, alors écoutez, je suis très heureux que l’ABC ait réagi comme ça, spontanément et très rapidement, elle s’est impliquée pour trouver des solutions, pour amener tous les gens autour de la table, tous les gens impliqués dans le domaine de la justice. Alors je rends hommage à l’ABC à ce niveau-là, puis ça m’a fait plaisir de participer également à cet exercice-là. Pour moi ce qui va constituer des matières urgentes après la pandémie, en espérant rapidement, si tant est que ça peut se terminer complètement aussi, c'est dans le domaine des tribunaux d’instance. C'est l’accès à la justice en matière criminelle pour les procès par jurys. Il faut réaliser qu’un procès par jurys, par définition, évidemment d’avoir 12 personnes dans une salle d’audience ensemble, ça comporte énormément de problèmes en temps de pandémie. Y a eu beaucoup d’incidences, de reports. À ma connaissance, en Ontario, tous les procès par jurys en matière criminelle sont suspendus jusqu’à avis contraire. Ce qui va entrainer énormément de retard éventuellement.
Dans les autres provinces, dans plusieurs provinces les procès continuent, mais on s’aperçoit que ça crée des problèmes additionnels de délais entre autres. Et, donc c'est pas évident. C'est aspect-là des procès par jury en criminel, dès que possible, il va falloir qu’on s’y attarde. Et on peut s'y attarder également par le biais de législation aussi, si possible, pour faciliter l’administration de la preuve, le cas échéant. Ça, c'est un premier dossier prioritaire.
L’autre dossier, c'est qu’on a réalisé aussi à travers les travaux de l’ABC entre autres, mais également du comité que je préside avec le ministre de la Justice Lametti, Le Comité d’action sur la COVID-19, on a réalisé qu’il y a plusieurs régions du Canada qui ne peuvent pas utiliser la technologie pour faire valoir leurs droits. L’internet, c'est pas vrai que c'est partout au pays. C'est pas vrai que le signal est aussi fort partout. C'est pas vrai que les gens ont accès à la technique comme telle, aux équipements, etc. Donc, y a un problème à ce niveau-là et je pense quand on regarde pour l’avenir, parce que j’aime penser qu’on ne reviendra pas à l’ancienne normalité. On va être maintenant devant une nouvelle normalité qui va demander à ce qu’on continue d’utiliser la technologie dans le domaine de la justice, de l’administration de la justice. Et, dans ce contexte-là, il va falloir s’assurer que les personnes les plus vulnérables, les groupes qui n’ont pas nécessairement les mêmes moyens, qui sont peut-être en région plus éloignée, puissent également bénéficier de cette technologie-là pour assurer l’accès à la justice. Pour moi c'est l’autre important.
Yves Faguy : Pour revenir un petit peu à la Cour suprême, la communauté juridique a remarqué depuis quelque temps que plusieurs décisions qui sortent de votre cour ont été rendues sur le banc. Et, pas nécessairement dans des affaires qui ont fait l’objet d’un appel de plein droit, et je me demandais s'il y avait une raison pour cela?
Wagner : En fait, les dernières années ont démontré qu’il y avait eu plus d’appels de plein droit, effectivement. Vous avez raison qu’il y a eu certains cas, mais rare, où les décisions sont rendues sur le banc. Dans les dossiers autres que les dossiers d’appel de plein de droit, c'est très très rare. Dans les cas où on décide les neuf, ou en tout cas les juges qui siègent dans ces dossiers-là, y a des raisons d’accès à la justice. Et, donc, en principe, les décisions qui sont rendues sur le banc, ce sont des décisions qui sont rendues dans les dossiers d’appel de plein droit en matière criminelle, lorsqu’il y a une dissidence dans une cour d’appel. Et, très souvent, ces dossiers-là ne renferment pas des questions de droit d’intérêt public, d’intérêt national, ou même qui ne suscitent pas de controverse. Donc, la question de droit est bien établie dans le pays, c'est juste que dans un dossier en particulier, bien y a un juge qui avait une interprétation différente sur les faits, par exemple, très souvent c'est ça qui est le cas.
Or, ce ne sont pas des dossiers qui, si nous avions eu l’opportunité de choisir, en d’autres mots s’il y avait eu une demande d’autorisation d’appeler, elle n’aurait pas été accueillie. Donc, dans ces dossiers-là, pour des motifs d’accès à la justice, très souvent les motifs de la Cour d’appel, ou soit du juge dissident ou de la majorité, sont complets. Il ne sert à rien de commencer à réinventer la roue, parce qu'on ne dira rien de plus que ce que les tribunaux antérieurs ont déjà dit. Je pense que pour l’économie de nos ressources judiciaires, pour consacrer notre temps aux dossiers qui demandent une étude plus approfondie, une analyse plus approfondie, qu’on doit faire ce genre de décisions là qui ont toujours eu lieu. Sauf que depuis certaines années on voit une augmentation de ces appels-là de plein droit. Mais, je vous dis que tous les dossiers, de quelques natures que ce soit, vont obtenir l’attention nécessaire, l’attention qu’ils méritent.
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Yves Faguy : On parle beaucoup cette dernière année aussi de la question du racisme systémique et institutionnel qui a beaucoup retenu notre attention, surtout cette année, mais depuis quelques années. Mais, aussi qui semble avoir atteint une espèce de point d’inflexion en 2020. Surtout avec toutes ces manifestations un peu partout dans le monde qu’on a vues cette dernière année. Évidemment c'est une question à laquelle nos élus devront s’attaquer. Certains commentateurs, par contre, ont noté que depuis un certain temps la Cour suprême du Canada a de plus en plus montré une volonté de se concentrer sur les perspectives raciales lorsqu’elle statue sur des affaires devant eux. Est-ce que… que diriez-vous de ça? Est-ce qu'ils ont raison?
Wagner : Ben je pense qu’on va décider de ces choses-là lorsque le dossier nous est présenté, de ces éléments-là. Et, j’ai déjà dit très souvent que les juges n’étaient pas des gens habitant des tours d’ivoire, on fait partie de la société, on est entouré par la réalité. Et, ce ne serait pas d’accomplir notre travail si on ne faisait pas attention à ce qui se passe dans le monde qui nous entoure. Cela dit, nous ne sommes pas des gens élus, on doit demeurer indépendant et impartiaux. Et, on s’exprime par le biais de nos jugements, de nos décisions. Et lorsqu’un dossier nous est présenté, qui implique des éléments comme vous avez mentionné, au niveau du racisme, entre autres, ben on va décider.
Comme moi, vous avez vu qu’en 2020, on a vu des gens partout dans le monde dénoncer la discrimination raciale et la violence raciale. Et, je pense qu’au Canada on a la chance d’avoir la Charte des droits et libertés, l’article 15, qui garantit à tout le monde le droit à la même protection et aux mêmes bénéfices sous la loi, indépendamment de toute discrimination, indépendamment de celle qui est fondée sur la race. Alors, malheureusement, cette garantie n’a pas toujours été respectée. Et on a dénoncé cette situation-là dans certains arrêts, par exemple, je réfère à l’arrêt de Le, où la cour a référé à des ouvrages concernant les effets pernicieux du profilage racial, par exemple, dans les communautés racialisées au Canada. Et on a souligné, que les personnes appartenant ces communautés avaient beaucoup plus de démêlés avec la justice que le reste de la population. Et, qu’elles sont davantage susceptibles de subir des violations de leurs droits et d’en subir un grave préjudice, lors des interactions avec la police, entre autres. Et ça, ce sont des faits concrets.
On a également relevé que les collectivités chez les autochtones sont depuis longtemps victimes de stéréotypes, des préjugés, de la discrimination. Encore une fois, vous avez vu la Commission de vérités et réconciliation qui a fait référence à ces situations-là. Alors la Cour suprême, les juges, a pris acte de ce fait notamment récemment dans l’arrêt Barton. Dans cette affaire, évidemment, on a fait usage de stéréotypes dégradants à l’égard d’une femme autochtone. Et, le monsieur en question subit présentement un deuxième procès. Dans l’arrêt [Ework 00:16:26] que la cour a rendu, c'est moi qui a écrit pour la cour, on a expliqué jusqu’à quel point la discrimination systémique, dont sont victimes les détenus autochtones, a dans les faits des conséquences néfastes pour ces détenus-là. Notamment, par le fait qu’ils sont moins susceptibles de bénéficier d’une liberté anticipée.
Alors voilà des exemples de dossiers dans lesquels la cour n’a pas hésité à trancher, évidemment, sur des questions de droit qui lui étaient posées. Nous ne sommes pas des élus, mais nous avons un rôle à jouer dans une société, en tant que juge, lorsque les dossiers nous sont présentés.
Yves Faguy: En ce moment, vous occupez un autre rôle. Alors les évènements récents ont fait en sorte que vous devez assurer l’intérim en attendant la nomination d’un nouveau gouverneur général. Pouvez-vous expliquer à nos auditeurs comment il se fait que le poste de juge en chef soit appelé à assumer ces fonctions vice-royales?
Wagner : Oui, ça va me faire plaisir de l’expliquer parce que je réalise que beaucoup de gens ne comprennent pas nécessairement d’où ça vient cette présence du juge en chef du Canada comme administrateur. En fait, j’ai été nommé administrateur du gouvernement du Canada et non pas gouverneur général, en attendant qu’un gouverneur général ou une gouverneure générale soit désigné prochainement. Et, j’ai donc été assermenté le 23 janvier dernier, suite à la démission de l’ancienne gouverneure générale. J’ai donc été assermenté ici à la cour comme administrateur du gouvernement du Canada en présence du greffier du Conseil privé. Et, cette désignation-là vient du fait que, y a des documents qui s’appellent les lettres patentes, concernant le bureau du gouverneur général qui ont été édictées en 1947. En vertu de ces documents-là, de cette législation-là, le juge en chef du Canada assume les pouvoirs et devoirs du gouverneur général comme administrateur lorsque le poste de gouverneur général est vacant. Et, non pas lorsque le gouverneur général est malade, ou absent pour d’autres raisons, mais lorsqu’il est vacant. Et, présentement il est vacant. Et donc en vertu de ces dispositions-là le juge en chef assume les pouvoirs du gouverneur général.
Pourquoi? Pour assurer une stabilité, pour assurer la continuité de la constitution au pays et qu’il n’y ait rien qui s’échappe entre deux chaises entre la démission du gouverneur général et le nouveau ou la nouvelle gouverneure générale qui sera nommé éventuellement. Il y a une pérennité entre les deux, et je dois assumer ce rôle-là. Et je porte toujours le chapeau, à ce moment-là, lorsque je dois signer les décrets, je dois signer les ordonnances en conseil, je porte le chapeau d’administrateur du gouvernement et non pas de juge en chef. Les fonctions de juge en chef sont totalement séparées et sont parallèles. Elles n’entrent pas en conflit avec celles d’administrateur.
Yves Faguy : Merci pour cette explication, je pense que les gens vont trouver ça bien intéressant. Avant de conclure notre entrevue, j’aimerais vous poser une question concernant Joseph Harvey que la communauté juridique canadienne a perdu l’année dernière, l’un des plus éminents plaideurs constitutionnels des dernières décennies. Vous-même vous avez noté son décès avant l’une de vos récentes audiences. Et, vous avez mentionné qu’il était sans égal dans la profession juridique, en tout cas parmi les plaideurs. Qu'est-ce qui faisait de lui un si grand plaideur selon vous?
Wagner : Monsieur Harvey, évidemment, je l’ai vu plaider à plusieurs reprises, il est venu plaider à plusieurs reprises devant la Cour suprême, tout le monde le sait. Donc, j’ai pris sur moi de prononcer quelques mots, en son honneur, après son décès il y a quelques semaines. Parce qu'il est un bon exemple pour les plaideurs. Il est un bon exemple également pour la profession d’avocat et par ricochet pour la démocratie. Et je m’explique. Moi j’ai pratiqué le droit pendant 25 ans, j’étais un plaideur. J’étais à la cour à peu près à toutes les semaines, j’adorais ça. C'est une discipline très exigeante qui demande à la fois de l’intégrité, à la fois le sens des valeurs aussi, et qui demande beaucoup de préparation. Monsieur Harvey avait ces qualités-là.
Toujours respectueux envers le tribunal, toujours respectueux envers ses collègues, mais il faisait son point. Il était bien préparé. Il pouvait maitriser son dossier sans lire ses notes, et ça, c'est le signe d’un bon plaideur. Mais, un bon plaideur peut accepter également de se faire poser des questions. Et y a toujours bien réagi quand il était confronté à des questions. Évidemment, il n’a pas toujours gagné, monsieur Harvey. Mais la question n’est pas là. La question c'était de pouvoir bien représenter ses clients et il l’a bien fait. Et quand on représente bien ses clients comme avocat, on fait partie d’un système de justice qui fait la promotion de la démocratie et de la liberté. C'est avec ces gens-là qui forment la profession d’avocat, qu’on peut soutenir et maintenir une qualité de démocratie. Parce que la démocratie c'est le respect des droits et libertés. Et, donc c'est un outil, c'est un instrument, c'est une partie de ce grand système de justice là d’avoir des avocats qui peuvent bien faire valoir les droits de leurs clients et leurs clientes. Et, j’estimais que Monsieur Harvey faisait partie de cette catégorie-là qui peut servir de bon exemple à tout avocat qui vient à la cour.
Yves Faguy : Votre collègue Rosalie Abella prendra sa retraite cette année. Comment a-t-elle marqué le travail de la Cour suprême selon vous?
Wagner : Les amis vont le dire, des commentateurs, des juristes comme vous peut-être sauront mieux définir ce que sera son legs. Moi, pour moi, évidemment, la juge Abella a été nommée en 2004, la même année où moi j’ai été nommé à la Cour supérieure. On a commencé en même temps, mais à des niveaux différents. Donc, c'est assez ironique que je l’ai rejoint en 2012, donc ça fait 16 ans qu’elle est à la Cour suprême. Moi j’aime qualifier la juge Abella de passionnée. Et c'est la qualité avec laquelle elle a, je pense, abordé les auditions à la cour et également la rédaction de ses décisions, pour lesquelles elle était responsable. Alors, moi souvenir de Rosalie Abella, c'est une juriste engagée et passionnée.
Yves Faguy : Dernière question. Vous êtes évidemment bien occupé avec les affaires de la cour, mais vous devez sûrement prendre le temps de vous divertir durant cette pandémie. Je me demandais si vous aviez des loisirs à nous recommander?
Wagner : Écoutez, je ne serais pas très original, mais comme bien de mes concitoyens, j’ai développé mes talents de cuisine. En fait, que j’ai récupéré à partir de mes années où j’étais étudiant, en appartement seul, ici à Ottawa. Alors, je me suis reconverti à la cuisine, mais surtout, j’ai redécouvert la technologie de FaceTime, avec mes petits enfants, que j’ai utilisée comme jamais je l’ai utilisée auparavant. Je trouve ça fantastique. Alors, je suis devenu un expert de la chose.
Yves Faguy : Quel est le plat qui plait le plus donc… à votre famille?
Wagner : Ah y en a trop.
Yves Faguy : On manque de modestie, Monsieur le Juge en chef !
Sur ce nous devons malheureusement conclure l’entrevue. J’aimerais vous remercier, Monsieur le Juge en chef Richard Wagner, de nous avoir éclairés sur ces grandes questions et sur vos conseils pendant la pandémie. Merci beaucoup.
Wagner : Ç’a été un plaisir pour moi, je vous remercie.
Yves Faguy : Je m’entretenais donc avec le très honorable Richard Wagner, le juge en chef de la Cour suprême du Canada. Si l’épisode vous a plu, veuillez le partager avec vos amis et collègues et si vous avez des commentaires, des réactions ou des suggestions, n’hésitez pas à nous contacter sur Twitter à : @cbanatmag et sur Facebook. Et nous vous invitons aussi à vous rendre sur nationalmagazine.ca pour découvrir le contenu de notre analyse récente de l’actualité juridique au Canada. Un grand merci à notre productrice, Ann-Catherine Désulmé. Merci à vous tous de nous avoir écoutés et à la prochaine.