Juriste branché

Après la pandémie: La téléjustice

Episode Summary

Épisode Bonus : Yves Faguy reçoit Pascale Pageau, la présidente de l’ABC-QC, et Alexandre Désy, avocat et co-fondateur de OnRègle, pour parler des répercussions de la pandémie sur le secteur juridique, et le virage vers la résolution de litiges en ligne.

Episode Notes

Épisode Bonus présenté par ABC National et l’initiative Avenirs en droit de l’ABC : Après la pandémie, Ép. 1

Dans ce premier épisode de notre série Après la pandémie – Entretiens sur l’avenir de la justice, Yves Faguy reçoit Pascale Pageau, présidente et fondatrice de Delegatus et la présidente de l’ABC-QC, et Alexandre Désy, avocat et co-fondateur de OnRègle. 

Les invités nous parlent des répercussions de la pandémie sur le secteur juridique, du rôle de la technologie dans la justice, et du virage vers la résolution des différends en ligne.

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Episode Transcription

Après la pandémie : La téléjustice

Vous écoutez un programme du magazine ABC National. 

Bonjour, Yves Faguy ici, rédacteur en chef du magazine ABC National. Bienvenue à la série Après la pandémie : entretiens sur l’avenir de la justice, produite avec le soutien d’Avenir en droit de l’ABC. Les restrictions liées à la COVID-19 ont poussé le système judiciaire à se moderniser. Du moins, on peut dire que les évènements des dernières semaines ont montré que le changement dans le secteur juridique est possible. 

Effectivement, la pandémie a suscité un regain d’intérêt pour des pratiques plus modernes dans le secteur juridique. On parle notamment, de structures de travail plus agiles et flexibles, mais aussi de l’emploi de la technologie dans la prestation des services. Et on parle aussi d’un virage vers des plateformes alternatives qui peuvent aider les gens à résoudre leurs différends, de plus en plus en le voit en ligne. La question est de savoir si le monde juridique sera réellement en mesure de se réinventer. 

Fort heureusement nous avons deux invités avec nous qui ont vécu et revécu la réinvention. Notre première invitée est la présidente fondatrice de Delegatus collectif d’avocats, elle est avocate émérite et elle pratique en litige civile et commercial depuis 20 ans. Elle est souvent reconnue parmi les femmes leader en affaire au Québec et au Canada et elle est la présidente de la division ABC Québec elle est Pascal Pageau. Bienvenue à ABC National. 

Pascale :  Merci. 

Faguy : Quoi dire de notre second invité, un avocat qui a beaucoup réfléchi à l’avenir de la profession juridique et d’ailleurs qui a publié de nombreux rapports là-dessus pour le Barreau du Québec. Il est également le cofondateur de Onrègle.com, une entreprise qui propose de régler les litiges en ligne grâce à la technologie, mais avec l’intervention de juristes qui peuvent soutenir le processus. C'est Alexandre Désy, bienvenue au programme Alexandre. 

Alexandre : Bonjour, merci de m’avoir. 

Faguy : Donc, on parle beaucoup depuis le début du confinement d’un système judiciaire déjà mal en point et qui a eu du mal à s’adapter aux nouvelles circonstances, mais on parle aussi d’une prise de conscience dans le monde du droit et d’une nécessité d'accélérer sa modernisation : faire une meilleure utilisation de la technologie, remettre en question certaines pratiques dont on devrait peut-être considérer, je sais pas, des vestiges d’une autre époque et qui n’ont plus beaucoup d’utilité.

Alors j’aimerais commencer par vous demander, peut-être Pascale tu peux commencer, est-ce la pandémie va réellement être catalyseur de changements selon toi?

Pascale : J’en suis persuadée, la pandémie apporte une… premièrement on a pu le voir, le constater juste avec le système judiciaire. Le fait d’avoir eu cet arrêt-là du fonctionnement du système de justice, on a eu une volonté des différents juges, de la magistrature, des préposés à travailler très rapidement ensemble, à trouver des solutions pour comment qu’on peut survivre et comment on peut passer à travers cette pandémie. Ça l’a amené à faire des changements à une vitesse grand V avec l’utilisation de la technologie et de se poser de questions : mais, est-ce qu'on peut avec des outils qui sont actuellement sur le marché améliorer nos façons de faire. Alors le système de justice le fait et je sens ce changement-là d’habitude qui se fait aussi dans les cabinets d’avocats. 

Prenons l’exemple, dans le fond y a deux pans majeurs à regarder comme cabinet d’avocat. Premièrement, les opérations, comment on va adapter nos opérations? Avant la pandémie le télétravail était quelque chose qui n’était pas nécessairement vécu, c'était quelque chose d’exceptionnel, c'était quelque chose que personne ne pouvait penser à avoir, notamment, les avocats en télétravail, les adjointes en télétravail. Alors c'était quelque chose qui était une exception. La pandémie a permis de démontrer que c'était un système qui était possible, alors qu’on pouvait être efficace, productif en télétravail. Ça va avoir apporté, selon moi, la démonstration que c'était possible de travailler autrement, de pratiquer autrement. 

Faguy : Mais vous, vous avez eu une expérience avec le télétravail, parce que justement… ben explique-nous un petit peu la formule Delegatus, et dites-moi si vous sentiez que vous étiez plus prête à affronter la pandémie que d’autres cabinets?

Pascale : Le modèle Delegatus existe depuis 2005, effectivement, nous le télétravail n’a pas été quelque chose qui a nécessité une adaptation parce que c'était quelque chose qui était vécu par l’ensemble du collectif des avocats. Alors y a une trentaine d’avocats, 10 employés, sur les 40 personnes 70 personnes faisaient du télétravail à temps plein. Alors évidemment au bureau, y a des bureaux soit en aire ouverte ou en bureau fermé pour venir y travailler, mais le télétravail faisait partie de nos mœurs de nos coutumes, de notre ADN depuis le jour 1. Alors le présentiel n’a jamais fait partie de notre culture de travail. Le modèle Delegatus permettait le regroupement d’à peu près 30 avocats entrepreneurs qui décident eux autres même de leur temps, de leur lieu de travail, de la quantité d’heures faites dans une année. Et effectivement la pandémie n’a apporté aucune nécessité de changement de notre côté, on avait déjà la technologie pour travailler de manière collaborative à distance. On était déjà tous installés avec soit des bureaux à la maison, très ergonomique, très confortable. Alors y a pas eu d’adaptation. 

Donc, au niveau de l’adaptation à la pandémie, elle n’a pas apporté un lot de changement. Au contraire, ç’a été le réconfort qu’on avait choisi déjà y a 15 ans la bonne façon d’opérer notre bureau d'avocat pour pouvoir être performant même avec la pandémie. 

Faguy : Alexandre, où en sommes-nous par rapport à ce que vous vous observez sur le marché juridique quand à la volonté de certains acteurs de prendre des risques et de changer un petit peu la façon de pratiquer le droit et de mener leurs affaires en droit, par rapport à la situation qui précédait la pandémie?

Alexandre : Je suis d’accord avec ce que Pascale a amené, donc je ne vais pas le répéter, mais je vais peut-être euh... je joue souvent l’avocat du diable là, mais euh... 

Faguy : Vas-y.

Alexandre : Est-ce que… est-ce que les… est-ce que les choses ont vraiment changé, est-ce que… Je pense qu’il y a deux manières que les choses peuvent changer. Ou bien donc quelqu'un va remarquer une opportunité, que ce soit l’argent ou autre chose, ou quand quelqu'un y a la nécessité de faire quelque chose, quand y a pas le choix, quand les évènements le poussent à faire ça. Sinon, les gens ne sont souvent pas poussés au changement. Quelqu'un ne va pas se réveiller un matin et dire : je veux changer de culture et puis le changement va magiquement s’opérer. Ce qui va se passer, moi ce que je vois, les gens qui ont été obligés de faire les choses différemment, j’ai des exemples d’ailleurs chez OnRègle on a lancé une nouvelle plateforme qui permet la médiation familiale en ligne. On a des médiateurs qui l’ont fait, ils se sont rendu compte que ça marchait bien, ils se sont rendu compte que ça peut être profitable et que ça prenait moins de temps. Ça, ça risque de rester, parce qu'ils se sont rendu compte que c'était profitable et que ça fonctionnait.

Mais, j’ai l’impression que donc… quand… ce que les avocats ont essayé ou ce que les gens sur le marché ont essayé et qui a fonctionné ça va rester. Malheureusement, si après pandémie, une fois que la nécessité a disparu, y a des choses qui sont très fortes dans le marché et qui vont rester pareilles. Les avocats ne sont pas formés, les avocats ne sont pas des entrepreneurs. Les avocats, ça reste des experts de la loi, ça reste une profession qui est ancrée à, on est formé à l’université à comprendre le Code civil, on n’est pas formé à bâtir la technologie ou à comprendre un marché. Parfois tu vas essayer des nouvelles affaires parce que t’es obligé, si tu veux vraiment changer ta pratique ben, y faut que tu sois outillé comme un entrepreneur qui est prêt à le faire pis, Pascale l’a fait. 

Pascale : Je suis d’accord avec toi Alexandre, ça prend une nécessité pour changer quelque chose, ça prend une raison d’être. Mais, cette pandémie-là va quand même avoir obligé les avocats à se former à utiliser la technologie. Et une fois, pis ç’a été ça pour Delegatus, une fois que tu y as gouté à ça, à la flexibilité qu’apporte le télétravail, à cette vie-là, qui t’apporte de l’autonomie, qui t’apporte une productivité technologique en ligne. En tout cas, moi j’ai jamais été capable de retourner à une vie traditionnelle, parce qu'il y avait une beauté qui était là, y avait une flexibilité, y avait un autre monde qui était derrière cette autonomie-là et ce télétravail-là qui apporte énormément à l’humain dans tout ça. 

Faguy : Alors Alexandre, on parle ici de technologie, expliquez-nous ce que fait OnRègle justement, et comment votre plateforme a évolué depuis sa fondation y a 4, 5 ans?

Alexandre : OnRègle comme le nom le dit, on a fondé et a choisi le nom, parce que l’idée c'était vraiment de régler des litiges en ligne. Donc, le nom est assez évocateur. Les choses, par contre, ont évolué énormément depuis le début. Et puis justement, c'est le fait que j’ai commencé cette histoire-là d’OnRègle comme avocat, et puis j’ai fini par devenir un entrepreneur. J’ai commencé, on a bâti la plateforme comme on pensait, on a comme imposé à nos clients, une solution qu’on pensait qu’ils voudraient. Comme avocat on s’est dit c'est ça logiquement ça va être plus efficace, ça va fonctionner, on va offrir ça. Mais, on s’est rendu compte après ça que en ligne, c'est pas comme ça que ça marche. Il faut que tu bâtisses tes solutions autour du client, autour du data, autour de ce que les gens veulent, et pas autour de ce que toi tu penses qu’ils voudraient. 

Donc, on a pivoté et puis on est parti de la base. Le commun des mortels qu'est-ce qu’il veut? Il ne sait même pas qu'est-ce qui veut quand y commence son processus, donc la première chose qu’il veut c'est de se faire guider, de parler à quelqu'un se faire dire : OK c'est correct ce que tu fais, ou bien OK non, la première étape c'est d’envoyer une mise en demeure. Donc, on est parti de la base, et puis OnRègle a évolué à être un service qui se veut être, tout ce que le commun des mortels peut avoir besoin pour ses problèmes de tous les jours, juridiques. 

Donc, nous à quoi on s’attaque c'est le 80% hich que de gens qui n’ont pas en ce moment accès à la justice. Donc, ce que OnRègle fait, c'est qu’il diminue les coûts grâce à la technologie et on permet aussi… ce qu’on s’est aussi rendu compte —excuse-moi la réponse est longue—, mais on s’est rendu compte que les gens au début nos services étaient totalement automatisés, mais on s’est rendu compte que les gens y veulent… y veulent une partie du service humain. Donc, on a réintégré les avocats dans le processus. Donc, c'est là que l’avocat, les gens veulent se faire dire : OK c'est correct. Ou, ils veulent qu’un avocat vienne amener son… l’apport stratégique qu’il peut amener. Donc on a pivoté, donc on est une plateforme qui connecte les avocats avec les clients, mais qui aussi amène une technologie qui permet de diminuer les coûts pis d’automatiser tout ce qui est paperasse, tout ce qui est drafter, pardon l’anglicisme, drafter des papiers ou des procédures, ça c'est la technologie qui le fait. Donc, vers où on s’en va c'est : un avocat dans ta poche et un tribunal dans ta poche. 

Faguy : Et l’avocat y participe comment dans ce processus-là?

Alexandre : Lui y reste à distance, typiquement l’avocat est à distance il va recevoir un courriel, le courriel va dire : révise tel document. Et puis l’avocat va venir sur la plateforme, il va remplir certaines boites où il a besoin de réviser. Il va faire, il va peser j’ai fini, ça va partir pour le client. Donc l’avocat pour lui c'est très simple, il sauve beaucoup de temps, il est capable de faire ça rapidement et il est capable de servir plus de clients de cette manière-là. Au bout de compte, ça coûte moins cher pour tout le monde de cette manière-là. Je suis vraiment heureux d’avoir croisé de Pascal, on travaille sur ce projet-là ensemble depuis mois. La pandémie a accéléré les choses et a rendu les choses nécessaires, mais on a un projet avec l’ABC Québec d’offrir la téléjustice pour tous les avocats qui sont membre de l’ABC. 

Donc, bientôt n’importe quel avocat qui veut pouvoir offrir tous ces services-là, les services d’OnRègle, que ce soit sur son site web, ou l’avocat qui veut lui-même être cet avocat-là derrière la plateforme, il va pouvoir s'inscrire et offrir ces services-là en ligne. Donc on va faire deux choses, on va offrir des mandats OnRègle et on va permettre à tous les avocats du Québec qui le veulent d’offrir des services en ligne, donc de s’ouvrir à un marché… parce que traditionnellement les avocats leur site web qu'est-ce que c'est? C'est leur photo avec leur courriel en dessous, mais c'est pas des plateformes pour vendre des produits. 

Nous ce qu’on va faire, c'est ça le projet avec l’ABC, c'est que n’importe quel avocat au Québec va pouvoir mettre les produits d’OnRègle sur son site web, les vendre et puis lui-même offrir la téléjustice via son site web. 

Faguy : Pascale, comment envisages-tu… c'est quoi la valeur de cette plateforme-là pour un membre ou pour praticien du droit. 

Pascale : Moi je la vois très grande. Quand Alexandre m’avait approché, y m’avait approché comme bon vendeur, représentant des produits OnRègle. Pis y m'en parlait dans un autre contexte, y me parlait du contexte écoute… chez Delegatus c'est un bureau où les avocats pratiquent autrement, c'est des avocats qui se démarquent, qui utilisent la technologie. Est-ce que comme Delegatus, comme présidente chez Delegatus vous devriez avoir un intérêt dans le fond à acheter, à devenir des consommateurs d’OnRègle pour vos clients. Pis là ben évidemment, je me suis mis à réfléchir, pis je portais le chapeau de présidente de l’ABC Québec. Mais j’ai dit : mais Alexandre! J’ai dit t’es en train de me dire qu’on serait capable avec un partenariat avec l’ABC de faire en sorte de vendre les outils technologiques à l’ensemble des avocats au Québec, qu’ils soient solo ou en petits cabinets. De leur permettre d’accéder à des outils technologiques simplement sans aucun coût additionnel que d’être membre de l’ABC, et de pouvoir donc, se démarquer dans la société comme étant des avocats qui utilisent les services, d’offrir de la téléjustice, qui est quelque chose qui est de plus en plus, qui s’en vient sur le marché, mais qui va devenir croissant. De permettre d’avoir un impact direct sur l’accessibilité à la justice. 

Alors selon moi, j’y voyais un apport très grand de pouvoir… qu’OnRègle permette à des avocats à leur compte d’acquérir de la clientèle. Parce qu’avec la plateforme y a déjà des clients qui sont là, y ont besoin d’être desservi. L’ABC viendrait à ce moment-là apporter de la clientèle aux avocats qu’ils soient à leur compte ou en petits cabinets. Mais, au-delà de l'acquisition de clientèle, ça permettrait aussi de donner accès à des outils technologiques qu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter. Parce que si quelqu'un pourrait très bien me dire : ah moi je vais me créer mon propre outil technologique, mais les outils technologiques coûtent excessivement d’argent en investissement. Alors, c'est pas des avocats solos qui peuvent se dire : aie, je vais m'acheter telle plateforme. Là, on ramenait à ce moment-là une valeur ajoutée très très grande pour les avocats des praticiens à leur compte, que ce soit des avocats ou affaires pour permettre cette accessibilité-là. Dans le fond, je trouve que c'est un mariage parfait. 

Alexandre, c'est bien que tu réalises dans OnRègle qu’ils ont besoin de l’avocat pour rendre encore plus leur service pertinent pour leurs clients. Et nous, on a les avocats qui ont besoin d’accéder à ces outils-là. Moi je voyais un mariage parfait parfait parfait pour apporter cette valeur ajoutée là au monde de l’ABC.

Faguy : Écoutez, vous êtes tous les deux des entrepreneurs du secteur juridique, vous avez tous les deux adopté un modèle d’affaires qui est différent un de l’autre. Mais je me demande pourquoi selon vous y a eu une telle résistance au fil des des ans à… à emprunter un chemin plus innovateur dans le secteur juridique? Je vais commencer par vous Pascale, parce que vous êtes quand même dans cette game-là depuis une quinzaine d’années si je comprends bien. 

Pascale : Je pense qu’Alexandre a déjà commencé tantôt la réponse, c'est que ça vient d’une nécessité. Pour faire un changement pour embrasser un modèle d’affaires différent, ça prend une nécessité, ça prend quelque chose d’important qui dit : je vais faire les choses différentes. Sinon tu continues à rouler ta bicyclette de la même façon, tu continues à faire ton entrainement de la même façon, tu ne changes pas. Le changement doit partir d’une nécessité. 

Dans mon cas, moi ç’a été le… c'est drôle parce que notre « why » de l’entreprise, c'est le droit d’être heureux. Moi j’avais besoin littéralement dans ma profession et dans ma vie personnelle de trouver ce chemin-là du bonheur et d’être heureuse. Je voulais fondamentalement j’étais quelqu'un pis je le suis toujours ambitieuse, carriériste, mais autant dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle. Et je ne le trouvais pas mon chemin dans les milieux traditionnels. Je me suis dit : regarde, j'ai rien à perdre, je vais le créer ce chemin-là. Mais, en allant chercher cet équilibre-là de se réaliser, dans le fond, réussir sa vie pis dans la vie, j’ai vu qu’il y avait un chemin du droit d’être heureux autant pour le client qui cherchait une façon de se faire desservir que des avocats qui voulaient faire ça autrement. 

Ça passe par une nécessité quand les choses vont bien, tu changes pas. Pis en même temps quelqu'un m’avait dit : Pascale, tu l’as eu plus facile, parce que t’es partie de 4 pages blanches. Quand t’as redessiné ton modèle d’affaires, t’avais pas à l’adapter. Adapter un cabinet d’avocat de 80 associés et plus, ça s’adapte mal. Parce que t’as certaines gens qui vont tirer la couverte d’un bord, les gens de l’autre. Apporter de l’innovation dans des modèles très traditionnels, quand y a plein d'associés qui ont tous un vote alentour de la table c'est difficile. Partir d’une page blanche, je dois l’avouer, c'est un peu plus facile. Mais ça prend quand même une certaine audace pis de dire : moi je veux foncer. Parce qu'y en a quand même pas mal des défis qu’on a eu à surmonter dans les 15 premières années. Mais le fait de partir d’une page blanche avec une nécessité, quelque chose de viscéral du fait que tu changes, c'est là que vient l’innovation et la capacité de foncer par avant. 

Faguy : Alexandre, croyez-vous que des attitudes des opérateurs plus traditionnels du monde juridique changeront à cause du confinement? Eux n’ont pas le privilège d’avoir la page blanche devant eux, seront-ils capables d’effectuer un virage?

Alexandre : Euh... des opérateurs traditionnels, si t’avais posé ta question autrement je t’aurais répondu oui. Mais, les gens qui font les choses de cette… je veux dire les… mon frère travaille dans un grand cabinet. La pandémie, y a travaillé très fort, y a pas moins facturé, ça fonctionnait bien. Tsé, les… un grand cabinet, ces gens-là y vendent des Ferrari à des gens qui ont besoin des produits très sophistiqués. Je veux dire, ces gens-là sont contents, je veux dire y vont toujours avoir besoin de Ferrari, pis y veulent un service qui est très très personnalisé. C'est pas ces services-là qui vont… là je vais parler de technologie, mais c'est pas ces services-là se faire chambarder par la technologie. 

Parce que la technologie, vient amener de l’accès à la justice à des gens surtout qui n’en ont pas en ce moment, ou ils viennent diminuer les coûts pour standardiser le processus pour offrir… pour offrir un peu… Là en ce moment tout le monde vend de Ferrari, tout est fait à la main, quand on standardise les processus, c'est parce qu’on créé des compagnies comme Honda, pis comme Toyota qui n’est pas nécessairement de la moins bonne qualité, souvent c'est peut-être même plus fiable qu’une auto de luxe. C'est fait pour se rendre du point A au point B. Pis le gros avantage c'est que tout le monde y a accès. Ben, tout le monde, je veux dire plus de mon y a accès. Est-ce que les gens qui en ce moment ont le 15%, 20% du marché vont changer? Non. C'est juste qu’y a 80% du marché qui n’est pas desservi en ce moment parce que c'est trop long, trop cher, trop complexe. 

En ce moment les cabinets traditionnels vont garder leur part de marché et ils ne vont pas changer énormément leur façon de faire. Mais, y a une belle opportunité devant nous pour aider le reste des gens qui ne sont pas desservis.

Faguy : Alors en même temps ici on parle de… j’imagine que OnRègle est un produit ou une plateforme qui s’adresse à cette part du marché qui traditionnellement a été mal desservi. Quels ont été les défis auxquels vous vous avez été confronté? Parce que j’imagine qu’il faut quand même changer des attitudes chez des justiciables aussi. Y doivent se familiariser avec l’existence de telle plateforme. Comment on fait pour faire en sorte qu’il y ait une masse critique qui se serve de ces outils-là?

Alexandre :  C'est le plus grand défi qu’on a eu. C'est… t’as beau avoir une bonne idée, ç'a beau être logique, ç’a beau être moins cher, si personne ne l’a fait avant, le marché, le consommateur ne sait pas que ça existe. Donc, y a de créer un marché, c'est… je vais te donner un exemple. T’es un entrepreneur et tu décides de partir un restaurant. Bon, déjà là c'est pas évident d’être entrepreneur et de lancer son entreprise, mais les gens ont déjà l’habitude d’aller au restaurant. Pas en ce moment, mais les gens habituellement c'est un marché qui existe déjà. Si personne n’avait jamais… si ça n’existait pas les restaurants, si c'est un nouveau concept, non seulement y faut que tu lances ton entreprise, mais y faut que t’éduques les gens sur le fait que tu peux aller manger à l’extérieur de ta maison. Ben ça c'est quand t’es précurseur dans quelque chose tu crées ton marché c'est difficile, c'est un énorme défi. 

Faguy :  Parce qu'on parle ici d’une plateforme de différends en ligne. C'est intéressant parce que on en voit d’autres. Y a PARLE qui est la plateforme développée par le laboratoire de cyber justice qui fournit, je pense, aux consommateurs et aux commerçants un outil en ligne pour résoudre leurs litiges. Aussi on voit à  l’Ouest en Colombien Britanniques y a le Civil Resolution Tribunal qui traite de règlement de différends civils. C'est un peu un genre, une forme de petite créance. Je présume peut-être un peu trop, mais ça fait ça. Croyez-vous que nous allons voir une plus grande participation du privée ou du public dans l’offre de résolution de litiges en ligne? Est-ce que c'est souhaitable que le privé s’en mêle Pascale, ou est-ce que les gouvernements devraient essayer de maintenir un certain contrôle là-dessus?

Pascale : Que ce soit contrôlé par le privé ou le public je pense qu’il va toujours falloir que le gouvernement par l’entremise de la Loi sur le Barreau, mais par le Barreau que les instances contrôlent parce qu’il n’en demeure pas moins que ce sont des services juridiques. Et la portion qui est nécessaire par l’avocat c'est la portion de conseil. Et jamais on voudra que des conseils soient donnés d'une façon qui ne respecte pas la déontologie, qui ne respecte pas les conflits d’intérêts, que ce soit la compétence, la qualification, on a un rôle, on a un rôle moral et professionnel à jouer comme avocat. Et tant qu’on remet l’avocat, je pense que le contrôle est nécessaire dans les outils technologiques. Le contre doit quand même rester par le Barreau sur la qualité des conseils qui sont donnés. 

Maintenant quant à la propriété de ces dossiers-là, moi je pense qu’il y a de la place à l’entrepreneuriat. Il faut que la société canadienne, québécoise, donne la place aux entrepreneurs qui vont venir se démarquer dans ces milieux-là. Des gens comme Philippe, comme Alexandre, ils viennent changer la donne. Dans un mois là, justement, je vais me déprogrammer comme avocat là et je vais investir du temps, de l’énergie, pis de l’argent dans des outils. Pis y faut leur donner cette place-là aux entrepreneurs. Vous en nommez, Yves vous en nommez justement des choses qui existent en Colombie-Britannique et ailleurs à travers le monde là, ça commence à pleuvoir ces outils-là. Mais il faut la laisser cette situation au privé, mais par contre il faut toujours continuer à contrôler la qualité des services qui sont là. Mais si on ne sait rien, pis si on ne permet pas cette place, ben ces clients-là qui ont besoin d’accessibilité à la justice ne sont pas desservis. Alors aider, ça veut dire quoi dans le fond, c'est de rendre la justice accessible et aussi rendre accessible des outils technologiques qui vont permettent avec la technologie de réduire les coûts. Mais, en même temps, qui vont dire aux avocats : ah, y a un marché là. Je suis capable d’être efficace, je suis capable avec les outils technologiques créés par OnRègle de ne pas perdre mon argent pis de les aider vraiment ces gens-là. 

Ça c'est des efforts de chaque avocat qui va dire : moi, j’adopte ces outils-là pis j’essaye de les publiciser, je vends mes services de cette façon. On va collectivement aider à réduire cet impact-là des coûts de la justice, mais qui va aider cette accessibilité-là. Je pense que c'est important qu’on garde la qualité, mais en même temps laissons de la place pour l’entrepreneuriat y a tellement d’opportunités. 

Alexandre :Pis on l’a vu avec les autres projets qu’y a eu. Quand l’État commence à faire du logiciel, ça peut coûter très cher, ça peut être très long. Que ce soit le projet Toge, que ce soit le projet… je veux dire y a des centaines de millions qui ont été mis là-dedans. Et puis c'est pas nécessaire. L’État est bon pour plusieurs choses, mais pour développer du logiciel pour offrir un service à la clientèle ce n’est potentiellement pas la meilleure personne. Essayez de parler à quelqu'un du gouvernement pour avoir du service à la clientèle quand ça ne marche pas, quand vous avez un problème. C'est difficile, c'est difficile à quasi impossible. 

Donc, les logiciels, l’État a sa place certainement, ce qu’on aurait besoin c'est que l’État crée cette colonne vertébrale là technologique pour qu’ensuite le privé puisse venir se ploguer dessus et créer des solutions. Y faudrait que les tribunaux soient digitalisés puis on pourrait… la première étape serait qu’on soit capable de déposer des documents qui ne sont pas papiers dans un tribunal. Je sais que ça fait longtemps qu’on travaille là-dessus. Je pense que la place de l’État est beaucoup plus là, de créer cette structure-là, de se connecter sur le système de justice plutôt que de créer des solutions lui-même. Parce que c'est pas sa job de faire du marketing, c'est pas sa job de faire de la communication nécessairement sur des logiciels. Nécessairement le Barreau et l’État vont être obligés de légiférer par rapport à ces choses-là parce que c'est des choses qui n’ont jamais existée. Mais maintenant, c'est des nouvelles réalités donc ils vont être obligés de baliser tout ça. Pis ça, on en est conscient puis on est d’accord avec ça. 

Faguy :On voit une tendance aux États-Unis surtout dans plusieurs États, le Yuta, l’Arizona, la Californie, dernièrement je pense que j’ai vu quelque chose en Floride, où les barreaux si on veut, les autorités règlementaires de ces États-là sont prêts à expérimenter si on veut avec un certain relâchement des règles qui régissent le partage des frais d’avocat et puis les structures de détention, de firme d’avocats et tout ça. On envisage aussi l’introduction de ce qu’on appelle, je ne sais pas quel est le terme en français, Regulatory Sandbox. Des carrés de sable où on peut expérimenter avec certaines nouvelles structures et tout ça. Est-ce que en fait… là où je veux en venir, est-ce que l’État a un rôle à jouer à favoriser cette expérimentation, au-delà de fournir une colonne vertébrale technologique aux tribunaux?

Pascale?

Pascale : Je pense que l’État, j’ai pas une opinion nécessairement réfléchie sur le sujet, mais à première vue comme ça, l’État a un rôle très très grand de protection du public. Et y a un mal pour la société, c'est que la justice n’est pas accessible. Tantôt Alexandreparlait des clients qui veulent se payer des Ferrari, on parlait qu’il y a des clients au-dessus de la moyenne entreprise qui veulent d’autres choses, mais y a un mal dans la société, ça coûte trop cher la justice. Lorsque l’État vient et vient aider à rendre cette justice-là accessible, moi je suis tout en faveur d’un relâchement de permissivité. En ce qui concerne d’autres types de raisons, y faut voir les raisons, c'est qui les lobbyistes derrière ça et c'est pour permettre quoi? Mais si l’État vient à se poser des questions et remet en faveur, regardons à ce moment-là si ça l’a le rôle de protéger le public, d’augmenter l’accessibilité à la justice. Et si c'est ça les raisons sous-jacentes, moi j’suis bien bien ouverte de mon conté. 

Pascale : Oui, puis juste pour rebondir là-dessus, c'est… si 20%... c'est des statistiques qu’on a, mais, si y a 80% des gens qui sentent qui n’ont pas accès à des services juridiques parce que c'est trop long, trop cher, trop complexe, ben, l’accès, je veux dire, y a 20% des gens qui ont accès à la justice. T’as beau avoir un système qui protège les gens d’une manière très très bien ou qui protège bien les gens, mais si les gens n’ont pas accès, ça donne quoi d’être protégé? Donc, y a un équilibre à atteindre entre l'accès à la justice et la protection du public. Moi, tant que c'est pas inversé, pis que c'est pas 80% des gens qui ont accès à la justice, ben j’ai l’impression qu’il va falloir trouver des façons de relâcher certaines règles pour permettre que ce soit l’innovation, que ce soit de faire les choses autrement. 

Parce qu’en ce moment, c'est ben beau, je peux faire un parallèle avec la santé, si on obligeait tout le monde avant de rentrer dans un hôpital de faire un scan, ou de faire… mettons de faire un scan, ben ça nous couterait tellement cher qu’on desservirait quoi 5% de la population. Ben peut-être qu’on trouverait des maladies avec ces scans-là, pis on protègerait mieux ces gens-là qui ont eu ces services-là d’extra, mais si ça finit qu’y a juste 5% des gens qui finissent par voir un médecin, ben on n’est pas mieux là. Donc y a un équilibre entre les services, la protection du public qu’on donne et l’accès qu’il faut atteindre. Moi, ce que je vois en ce moment c'est débalancé. Les gens n’ont pas accès, et puis c'est pas nouveau, ç’a toujours été comme ça. La justice et les services d’un avocat ont toujours été réservés à des gens qui étaient plus fortunés et des entreprises. 

Pis c'est vrai pour bien des choses. C'était vrai pour avoir une voiture, c'était vrai pour… Mais il est temps qu’on démocratise les services juridiques et, là je vais prêcher pour ma paroisse, mais j’ai l’impression que ça passe par la technologie. 

Faguy : Et Pascale, comment convaincre le secteur juridique ou les avocats de… non pas nécessairement de se donner comme mission de réduire le coût des services juridiques pour la société, mais comment les convaincre de rentrer justement dans ce marché qui est mal desservi? Parce que c'est vrai que finalement que les avocats doivent gagner leur vie également et puis euh... Comment les convaincre que les deux sont possibles à la fois?

Pascale : Je pense que ça passe d’une part par le chemin des… quand on regarde les statistiques des revenus des avocats pis les avocats quand ils ont quelques années d’expérience ou quand ils sortent du Barreau, pour un emploi c'est pas toujours facile. Alors quand ils vont, quand on fait la démonstration que l’outil technologique va leur permettre de desservir une clientèle, d’être efficace, de vraiment de se démarquer, je pense qu’on va les convaincre de cette façon-là. Deuxièmement, moi j’ai extrêmement confiance quand j’entends le discours des avocats qui sortent… qui viennent d’être assermentés, les étudiants en droit qui veulent faire tellement quelque chose pour rendre la justice accessible. L’impact qu’ils veulent avoir sur leur société, quand je les entends, j’ai confiance que leurs paroles ne sont pas juste des paroles en l’air et que leurs actes vont suivre. C'est de réaliser qu’en utilisant cette plateforme-là on fait plus que d’apporter de la clientèle, on peut vraiment faire quelque chose pour changer la société et je pense que c'est comme ça qu’on va les convaincre. 

Alexandre : On le voit, les avocats qui sont sur OnRègle pis qui font des mandats d’OnRègle, ben 1), ils remplissent des heures souvent qui ne pouvaient pas être facturées. Fait qu’ils augmentent leur revenu, d’où un peu là que ce soit l’opportunité, donc ils remplissent des heures qu'ils ne pouvaient pas. Donc c'est une manière d’adapter les nouvelles choses. J’ai l’impression que, oui, la très grande majorité c'est pas la totalité des avocats, quand on sort de l’école, je veux dire, on a des bonnes intentions, on veut aider. Et puis c'est pas là le problème. Les avocats veulent, et puis les avocats rendent des bons services. Quand les clients sont vraiment heureux d’être desservis par les avocats, nous le taux de satisfaction de nos clients par les interventions des avocats c'est au-dessus de 93%. Les gens sont très contents avec ça. 

Bref, y va falloir que ce soit payant et une des manières de changer ça ,c'est qu’il va falloir que les modèles d’affaires changent. Il va falloir que les gens en sortant de l’école… moi les avocats que j’ai vus qui ont pris le temps de faire un plan d’affaires, et j’en connais quelques-uns, les choses vont bien. Comme le disait Pascale y a beaucoup d’avocats en ce moment que c'est pas facile au niveau financier. Donc, de cette nécessité-là de se transformer, justement, ça passe par l’entrepreneuriat, ça passe par faire un plan d’affaires. Et quand on réfléchit aux choses comme ça, quand on regarde la compétition, ben ça nous pousse à innover. Ça nous pousse à faire les choses différemment. 

Faguy : Justement, le marché du travail, on s’attend à ce que le marché du travail ne soit pas terriblement génial pour les jeunes, la jeune cohorte qui sort des facs de droit ou qui est admise récemment au Barreau. Certains vont devoir se démener tout seuls pour lancer leur pratique, peut-être je demanderais à l’entrepreneur, Pascales Pageau, qu'est-ce que vous leur conseilleriez dans les années à venir?

Pascale : Démarquez-vous en faisant les choses autrement. Vous avez justement par l’accès… ben premièrement, démarquez-vous en faisant les choses autrement que ça passe par la façon d’aller rencontrer les clients potentiels. Moi je suis une adepte comme Alexandre de se faire un plan d’affaires et le plan d’affaires passe par se démarquer, utiliser des outils innovants, mais passe aussi par l’implication. Moi c'est comme ça que j’ai vraiment réussi à gagner mon réseau. Quand on sort des écoles, impliquez-vous, allez rencontrer des gens. C'est plus difficile en temps de pandémie, mais y a plein de groupes, de réseaux qui se font virtuellement. Alors moi j’incite beaucoup les gens, plan d’affaires, se démarquer, mais s'impliquer, s’impliquer et d’aller rencontrer les gens parler de ce qu’ils font. C'est vraiment les trois plus grands facteurs. 

Mais ayez confiance. Y a beaucoup de gens, on voit beaucoup de détresse, on voit beaucoup d’anxiété, on va beaucoup de mal de vivre. Pas juste de la jeunesse, mais de plusieurs personnes dans la société, ça vient aussi par le fait qu’il y a des manques de revenus, mais justement, sortez, rencontrez des gens, impliquez-vous. Y a beaucoup de… y a des beaux groupes à l’ABC pour s’impliquer. Et ça va vous permettre de rencontrer des gens, faites des partages de pratiques, des partages d’expériences, mettez-vous ensemble, créez des collectifs, créez des communautés entre vous pour échanger, pour pratiquer et souvent vous allez réaliser qu'on n’est pas tout seul. On peut devenir encore plus fort quand on se regroupe, quand on s'entraide, entraide, collaboration et ABC. 

Faguy  Pour conclure cette entrevue j’aimerais vous poser à tous les deux une question que je pose à tout le monde au courant de cette série. On parle souvent des défis auxquels est confronté le monde juridique et des difficultés qu'on a adressé la crise d’accès à la justice. On dit que bon, c'est défis-là sont complexes, à multiples facettes, certains diront « voilà juste une excuse pour ne rien faire ». Alors si vous pouviez changer une chose dans le secteur juridique en ce moment ce serait quoi? Je vais commencer avec vous Alexandre. 

Alexandre : Ben, c'est un peu le fil conducteur de tout ce qu’on a dit aujourd'hui, c'est l’entrepreneuriat et c'est de changer notre perspective parce qu'il y a toute sorte de choses qu’on pourrait faire. Que ce soit de l’éducation à l’université pour former les avocats à être autre chose que des experts du livre. Mais, c'est de réellement de se concentrer autour de son client. J'avais donné une conférence comme ça où on demandait aux avocats : est-ce que vous pensez que vous écoutez vos clients? Les avocats répondaient oui. [incompréhensible 00:40:07], mais après ça je demande, combien d’entre vous ont fait des sondages pour demander l’opinion de ces clients? Ou combien d’entre vous envoient systématiquement un sondage après que vous ayez rendu un service? Puis c'était zéro. Ou, combien d’entre vous a fait un plan d’affaires? Parce qu'un plan d’affaires c'est ça, c'est de voir la compétition, de voir ce qui se fait et puis c'est de demander à ses clients qu'est-ce qu'ils veulent vraiment. Est-ce que vous appelez cinquante de vos clients pour vraiment comprendre qu'est-ce qu'ils veulent? La réponse c'est non. 

Donc, ce que j’aimerais qui change c'est la perspective. L’avocat comme le médecin, comme les professions traditionnelles, ben dans le passé on était un peu comme… on était le… un peu comme dans Kafka là, dans le procès où le juge et l’avocat c'est quasiment des prêtres qui sont en train de donner la bonne nouvelle. Ça c'est dans le passé, les choses ont changé, il faut revirer les choses de bord, c'est de bâtir sa pratique atour de son client. C'est plus profitable, surtout justement, on parlait des avocats qui ont moins de business, c'est là l’opportunité parce que oui, c'est d’offrir des meilleurs services juridiques, mais c'est d’offrir peut-être des choses connexes. C'est d’offrir… ton client y veut pas nécessairement acheter une médiation, y veut pas nécessairement acheter un arbitrage. Y veut régler son problème. Peut-être que toi dans ta pratique tu vas être capable de lui offrir plus que juste ton opinion juridique. Tu vas êtes capable de lui offrir ce qu’il veut et ce qu’il faut ça peut dépasser le juridique. Ça peut être payant pour toi, et c'est surtout valorisant parce que t’aides mieux tes clients. 

Bref, pour une réponse courte, c'est de se recentrer sur le client et de bâtir sa pratique autour de lui. Là quand je parle de la bâtir c'est pas juste un changement de culture. C'est faire des sondages d’utiliser les chiffres, de calculer ses affaires, utiliser le data, on les a les outils, donc c'est mon souhait. 

Pascale : On a parlé, pis je donne voix à ce qu’Alexandre dit, on a parlé d’accessibilité à la justice, je ne reviendrai pas là-dessus, je vais me permettre un souhait additionnel en plus de tout ce qu’on a parlé. Mon souhait ce serait d’oser, l’audace, oser pratiquer autrement. Y a tellement de conventions, y a tellement de traditionalisme dans ce qu’on vit, osez! Tsé là penser, out the box, y a un monde d’opportunités. Fait que donnez-vous la chance, l’opportunité de travailler, de penser autrement, de pratiquer autrement, vous allez voir, vous allez vous rapprocher de votre client, pis vous allez vous rapprocher d’une façon plus humaine de pratiquer et d’être plus heureux dans votre profession. Moi c'est mon plus grand souhait. 

Faguy : Sur ce nous allons conclure l’entrevue et j’aimerais souhaiter à nos invités beaucoup de succès dans la réalisation de ce beau projet entre l’ABC Québec et OnRègle. Je m’entretenais donc avec Pascale Pageau, présidente et fondatrice de Delegatus et la présidente de l’ABC Québec et Alexandre Désy cofondateur de OnRègle. À nos auditeurs maintenant, nous voulons vous entendre sur les enjeux entourant la profession et les changements à apporter à notre système de justice. Où devrions-nous concentrer nos énergies afin de le moderniser? Communiquez avec nous via Twitter à : @cbanatmag et sur Facebook. Pour écouter nos épisodes, abonnez-vous à Juriste branché sur Apple Podcasts, Stitcher et Spootify, et n’hésitez pas à nous laisser des évaluations sur ces plateformes. Vous y trouverez également notre balado en anglais, The Every Lawer, merci encore et à la prochaine.